A l’heure d’une « ubérisation » galopante et avec elle un possible changement radical du modèle entrepreneurial et des modes de travail, une class action entamée aux Etats Unis par des chauffeurs Uber pourrait être le grain de sable qui remet en cause la perspective du tout « travail indépendant ».
Alors que les particuliers s’exposent, proposent des services (covoiturage, location de maison, gardiennage d’animaux, location de matériel, restaurant à domicile…) et concurrencent les entreprises dites classiques, les modèles salariés connus pourront-ils perdurer ?
Le salarié de demain serait-il un travailleur indépendant qui, par le biais d’une plateforme en ligne, trouve des clients, propose une expertise,… pour un complément de revenus ou un salaire conséquent ? L’entreprise de demain serait-elle, alors, comme le sont déjà Airbnb, Blablacar, Uber, des plateformes en ligne qui coordonnent un vivier de ressources et de compétences en ne proposant qu’une interface logistique ?
Le CDI est mort ? Et avec lui l’entreprise « classique »? Vive le freelance, l’auto-entrepreneur, le travailleur indépendant… ? On lit partout que les salariés souhaitent devenir indépendants, se libérer de la contrainte de l’entreprise, aménager leurs horaires, leurs vacances, ne plus subir la pression hiérarchique… Les consommateurs deviendraient fournisseurs et les salariés ne rentreraient plus dans le cadre de l’entreprise ? Quelles Ressources Humaines restent-ils à gérer si l’entreprise ne fait appel qu’à des indépendants ? L’ubérisation totale est-elle un épouvantail ou la fin quasi annoncée des Ressources Humaines est-elle envisageable ?
Pas vraiment si on en juge par la possibilité offerte par la justice américaine à 3 chauffeurs Uber d’entamer une class action pour faire reconnaître un statut employé supposé.
Estimant leur dépendance à la société (commandes, tarifs…) assimilable à un statut salarié, les 3 chauffeurs souhaitent bénéficier des avantages y incombant (entretien véhicule, essence…). Plus simplement vu comme un intermédiaire entre chauffeurs et clients, c’est tout le modèle économique de l’entreprise qui pourrait basculer si la justice se positionne en faveur des chauffeurs et leur accorde protection sociale, contrat de travail, horaires… Un véritable séisme pour Uber mais aussi pour toutes les entreprises qui fonctionnent peu ou prou sur ce modèle.
Au-delà de cet exemple, l’indépendance semble donc rencontrer quelques limites et le consommateur-fournisseur-ex-salarié n’est peut-être pas totalement prêt à renoncer aux avantages que peut lui proposer l’entreprise. Le sujet pourrait alors se résumer à un simple dilemme (sécurité VS liberté) si les entreprises n’avaient pas elles aussi entamé une mue profonde vers plus d’agilité et une « utilisation » raisonnée de la ressource Humaine. En dehors de l’aspect pécuniaire et légal, l’entreprise est aussi un lieu d’interactions sociales, de formation, de collaboration… qui font progresser l’individu plus largement que la compétence strictement nécessaire à l’entreprise.
Ainsi la « vérité » pourrait-elle se situer au point de départ de toutes ces « start-up ubérisantes » ? A la volonté de créer un autre modèle d’entreprise plus souple où salariés et consommateurs se retrouveraient plus au niveau financier, humain, collaboratif… ?
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