Les slasheurs dessinent-ils le futur de l’organisation ?

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Après les freelances, les télétravailleurs, les corpoworkers, la collaboration protéiforme gagne un jalon avec les slasheurs. Ces actifs qui cumulent plusieurs activités sont de plus en plus nombreux. Une étude pour le salon des micro-entreprises révèle qu’en 2016 ils étaient déjà 16% des actifs entre 18 et 65 ans à exercer différents emplois, soit environ 4,5 millions de personnes. Et ces actifs varient les activités puisqu’ils sont 77% à exercer dans des secteurs différents. 70% jongleraient entre plusieurs activités par choix et 27% le font pour vivre de leur passion.

Si la pratique n’est pas nouvelle, pour les saisonniers par exemple, les métiers du spectacle ou de l’artistique, elle tend à se développer aussi pour les métiers « CDisables ». Il n’est pas rare de conjuguer consulting, marketing, ressources humaines, comptabilité avec un métier de vendeur, photographe, traiteur, artiste… Des métiers aussi différents que les aspirations de cette nouvelle génération de travailleurs. Enclins à plus de liberté, de flexibilité, de temps, en conservant un peu de sécurité, d’activité salariée, de collègues…ils sont de plus en plus nombreux à sauter le pas et à multiplier les tâches, les équipes, les locaux, les managers… Auto-entrepreneur, micro-entrepreneur ou multi-salariés, ces collaborateurs ne viennent plus au bureau tous les jours de 8h à 17h et sont passés d’un emploi à vie, à plusieurs emplois dans une vie pour arriver à plusieurs activités en même temps.

Encore parfois perçus difficilement par certains employeurs, on peut pourtant imaginer que ces slasheurs polymathes sont l’aboutissement d’une nouvelle forme d’organisation avec :

  • La fin de l’hyperspécialisation et la valorisation de la polyvalence. De nouveaux métiers apparaissent tous les jours, les changements sont légions en entreprise et la capacité d’adaptation n’est plus une soft skill appréciable mais une vraie nécessité dans la plupart des métiers.
  • Un nouveau modèle de rétention des talents. Alors qu’ils pourraient être perçus comme instables ou peu fiables ces profils présentent un intérêt certain en termes de fidélisation. On peut en effet préjuger qu’un collaborateur qui se sera « lancé » dans cette nouvelle forme de travail trouve un équilibre beaucoup plus fort entre vie, aspirations professionnelles et vie, aspirations personnelles.
  • L’utilisation de la digitalisation et des nouveaux outils collaboratifs pour travailler à distance, avec des équipes sur des projets ponctuels… Alors que le télétravail et le corpoworking semblent se normaliser, ces actifs d’un nouveau genre utilisent à plein ce que peut leur offrir la technologie pour concilier conditions de vie et conditions de travail.
  • La personnalisation des parcours : évolution de la GPEC, parcours managériaux et autres initiatives visant à prendre en compte les aspirations individuelles se multiplient. Certaines organisations permettant même à leurs salariés de changer de service, de missions pour quelques semaines ou mois. Comme l’expérience client, l’expérience collaborateur est au centre des débats et ces collaborateurs d’un nouveau genre aspirent à « vivre » leur travail avec le même degré de personnalisation, d’attention, de respect pour sa vie privée qu’un consommateur lambda. L’objectif est clair : être acteur de sa carrière, de son évolution, de ses choix, de son degré d’engagement : acheter où on veut quand on veut avec son smartphone ; travailler où et quand l’on veut avec son ordinateur portable
  • La valorisation de l’intrepreneuriat : certaines entreprises l’ont bien compris, pour retenir leurs talents, il est nécessaire de permettre à certains (tous ?) d’exprimer leurs idées mais aussi de les concrétiser. Plusieurs modèles se côtoient : la valorisation de l’intrapreneuriat pour faire vivre l’innovation en interne (lab, incubation de start-up, projets…) ou la valorisation de projets personnels sans rapport immédiat avec l’entreprise.
  • L’adaptation des process, des modalités de reporting. S’orienter vers un état d’esprit agile ne relève plus d’un vœu pieu mais d’une nécessité pour concilier ces modes de travail aujourd’hui un peu alternatifs : fluidification de la communication, test and learn, réactivité… les dynamiques changent et l’agilité comportementale s’impose comme la nouvelle norme.

 

Si ses slasheurs semblent donc une concrétisation des aspirations nouvelles des collaborateurs dans leur quête de flexibilité et des organisations dans leur quête d’innovation, ils viennent aussi et surtout dessiner un nouveau modèle managérial.
En effet, la collaboration protéiforme ne peut s’entendre sans un système managérial adapté ou le manager devra créer du lien, de la cohésion et de la cohérence entre des collaborateurs différents : télétravailleurs, salariés terrain, freelances, corpoworkers, slasheurs… Comment conserver un état d’esprit d’équipe, aligner sur le sens et les valeurs ? Comment transmettre des objectifs, déléguer, réguler ? Comment affirmer sa légitimité, son autorité ? Comment s’assurer que l’information (la clé de voûte de toute organisation) circule bien, partout, au bon endroit, à bon escient ? Comment faire monter chacun en compétences selon ses aspirations, ses capacités ?

Si tout le monde n’aspire pas à devenir un Léonard de Vinci, ces nouvelles formes de travail interrogent donc vraiment les pratiques managériales et la capacité des gouvernances et des RH à accompagner ces changements profonds des modes de collaboration sur les plans stratégiques, managériaux et opérationnels.

Et vous vous aimeriez slasher ?

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