Alors que la démission du Ministre de l’Ecologie en ce mois d’août 2018, retentit encore dans les médias comme le fait politique majeur qu’elle constitue, elle relève d’un cas managérial presque « banal », d’une situation de crise presque classique au sein d’une équipe. Au-delà de la fonction, au-delà des enjeux, le cas Nicolas Hulot est révélateur d’une quête profonde de sens dans la conduite d’une vie professionnelle en recherche de plus en plus de cohérence.
Figure marquante du paysage médiatique et politique, Nicolas Hulot est apparu ému à l’annonce de sa démission sur France Inter. Pratique peu commune dans le paysage politique français, cette démission quasi « spontanée » nous a montré un collaborateur au bout de son engagement envers son organisation, mais pas au bout de son engagement pour la cause qu’il défend. Ému donc, car ses certitudes quant à l’action qu’il entendait mener apparaissent si fortes qu’elles le poussent à démissionner et à quitter cet emploi qui représentait pour lui l’espoir de voir ses convictions se réaliser, au tout du moins progresser.
S’il n’est pas un collaborateur tout à fait comme les autres, l’exemple de Nicolas Hulot est intéressant en tant que démonstration publique que l’on peut quitter une organisation à contrecoeur. De son propre avis, ce départ est une preuve de courage, fait en conscience qu’il peut porter un préjudice (en termes d’image) à son manager, son équipe, voire son organisation… Décision d’autant plus tonitruante et dévastatrice qu’elle vient d’un collaborateur très courtisé, d’un talent particulier dont l’embauche se voulait porteuse d’un message ! Elle vient en effet remettre en cause les discours tenus et la crédibilité de l’organisation, elle est révélatrice d’un manque de cohérence (ou a minima d’un alignement perfectible…) entre la communication et les actes, les comportements, les décisions. De la même façon, une incohérence ou un manque d’alignement entre une ambition, des valeurs, des principes managériaux, des objectifs, des plans d’actions vont à terme nuire fortement à l’organisation et décourager voire même démotiver ou désengager les collaborateurs les plus convaincus ou les plus investis.
On peut alors aimer ou accorder de la valeur et du sens à son travail ET le quitter parce que le désaccord avec sa hiérarchie est trop profond. Quand la promesse initiale, l’idée que l’on pouvait s’en faire, que l’on nous a laissé entrevoir, est trop éloignée de ce que l’individu souhaite réaliser ; quand les priorités managériales et organisationnelles ne permettent pas d’allouer les ressources, moyens, conditions d’autonomie ou de latitudes décisionnelles jugées nécessaires ; quand il n’est même plus question de compétences ou d’entente hiérarchique mais d’une véritable incompatibilité d’objectifs, la question ne se pose pas vraiment en termes de courage.
Est-il plus courageux de partir d’une place à priori confortable (médiatique, valorisante, convoitée, avantageuse…) ou de rester pour lutter pour ses idées ? Le courage est ici un concept totalement personnel et la décicion de Nicolas Hulot peut être discutable de ce point de vue.
Mais cette situation démontre avant tout le besoin de cohérence entre identité professionnelle et identité personnelle. Si tout un chacun se sent responsable et autonome dans la construction de la seconde, la première est, qu’on le veuille ou non, liée en partie à l’identité de son organisation, et donc des choix, des décisions, des modes de fonctionnement de celle-ci. On se retrouve donc associé et identifié à l’organisation, on devient « un membre du gouvernement ». Et on voit bien qu’à moyen ou long terme, un trop grand écart entre les deux n’est pas tenable. l’élastique se tend, jusqu’au moment où il lâche.
Cette crise gouvernementale met alors en lumière plus que des difficultés temporaires ou structurelles qui peuvent intervenir dans n’importe quelle organisation. Elle nous montre avant tout, que parfois, la volonté et la motivation ne suffisent pas à retenir un collaborateur, qu’il peut aussi (surtout?) être question de comptabilité entre des idées et des actes, entre des promesses et des décisions.
En tant que manager, comment veillez-vous à cette cohérence, cet alignement entre raison d’être et valeurs organisationnelles et les aspirations de vos collaborateurs ?
En tant que collaborateur, percevez-vous cet alignement parfait des planètes ? Comment y travaillez-vous ? Quelles sont les concessions que vous acceptez, et quels efforts attendez-vous de l’organisation ?