Comment appréhender l’incertitude ?

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Dans un monde en constante évolution, l’incertitude est devenue une composante inhérente à la gestion des organisations. Pour les décideurs en ressources humaines (RH), il est crucial de comprendre comment l’incertitude peut impacter à la fois les individus et les organisations dans leur ensemble. Cette page de blog vise à explorer les différentes facettes de l’incertitude et ses conséquences, tout en proposant des stratégies pour y faire face efficacement. 

Qu’est-ce que l’incertitude ? 

L’incertitude se définit comme l’absence de certitude ou de prévisibilité concernant l’avenir. Il est difficile, voire impossible de prédire et donc d’anticiper les événements futurs. L’incertitude se combine souvent avec d’autres facteurs, comme la complexité, la volatilité ou l’ambiguïté, qu’on retrouve dans l’acronyme VICA / VUCA (voir article sur le sujet) 

Dans le contexte des organisations, l’incertitude peut se manifester sous diverses formes : 

  • Incertitude économique : fluctuations économiques, crises financières ou politiques, évolution des marchés, dépendance des marchés vis à vis des décisions géopolitiques. La crise du COVID a été un accélérateur pour certains marchés, notamment dans le médical, et a impacté très négativement de nombreux autres secteurs : restauration, événementiel… Quelle que soit la cause, les conséquences de telles crises ont des conséquences humaines qu’il faut gérer dans l’instant. 
  • Incertitude technologique : la rapidité des innovations technologiques bouleverse les secteurs de la téléphonie, de l’image, de l’automobile… mais aussi de la formation et des RH. L’arrivée de l’intelligence artificielle remet en question la pertinence de certaines missions, voire de certains postes. Les nouveaux outils d’accompagnement (IA, RV, animation à distance …) dans les RH sont certes attractifs, mais a des coûts financiers et humains parfois très élevés, et une obsolescence trop rapide détériore la rentabilité des investissements nécessaires. 
  • Incertitude réglementaire : les changements dans les lois et régulations mettent à mal les stratégies à long terme d’accompagnement. Faut-il lancer des campagnes de formation certifiante si la réformes des diplômes viennent tout chambouler ? Le financement de telles campagnes sera-t-il assuré avec les prochaines évolutions de France Compétences et Qualiopi, et les prochaines orientations de politique publique, au gré des changements de gouvernements ?  
  • Incertitude environnementale : les aléas climatiques et les considérations écologiques créent des nouveaux sujets de formations, mais impactent également les processus d’accompagnement, en privilégiant le distanciel peu gourmand en ressources fossiles, mais parfois déceptif en termes d’impact, d’engagement et de changement pour les participants… 
  • Incertitude sociale : enfin, à un niveau macro, de l’inversion de la pyramide des âges, des différences de fonctionnement entre les générations, des évolutions culturelles et sociétales émergent des points de tensions dans les politiques de recrutement, de fidélisation, de rétention et de mobilité interne ou externe… Par exemple, les attentes des jeunes générations vis-à-vis du monde du travail bouleversent ce dernier, tant dans ce le travail offre de façon générale que dans les processus de recrutement et dans le rapport de force sur le marché du travail. 

Conséquences de l’incertitude dans les organisations 

  • Sur la performance organisationnelle 

1. Difficulté de planification stratégique : l’incertitude complique la prévision et la planification à long terme. Les décideurs peuvent avoir du mal à définir des objectifs clairs et des stratégies durables. Ainsi, des décisions structurantes, souvent longues à mettre en œuvre et dont les effets positifs sont décalés dans le temps, pourraient être repoussées par prudence dans un contexte incertain. Or, pour profiter de l’ombre d’un arbre dans 10 ans, il faut bien le planter un jour…  

2. Réduction de la performance : outre la planification à long terme, la performance d’une organisation diminue quand les services, produits, moyens ou processus ne sont plus adaptés aux réalités anticipées. Une couleur « tendance » qui disparait, et une collection se vendra moins bien ; une décision de gratuité des transports publics dégrade les ventes de véhicules ; une saison pluvieuse et les recrutements de saisonniers plombent les comptes d’un restaurant de bord de mer, quand un soleil inattendu créera des tensions dans le service avant l’arrivée des saisonniers… 

L’incertitude peut entraîner une diminution de la performance globale de l’organisation. Les employés peuvent se sentir démotivés et stressés, ce qui affecte leur productivité et leur efficacité. 

  • Sur le climat organisationnel 

1. Stress et anxiété : un environnement incertain peut augmenter le niveau de stress et d’anxiété parmi les employés, ce qui peut mener à un climat de travail tendu et à une diminution du bien-être général. On parlera surtout d’anxiété ou d’angoisse en se projetant dans un futur incertain (que va-t-il se passer dans 3 semaines ou  3 mois ?), et de stress ou de tensions dans la gestion d’une situation présente : les conséquences d’une situation non anticipée mais avérée engendre des difficultés de gestion et donc, à court ou moyen terme, de motivation chez les salariés. 

2. Turnover élevé : le climat dégradé provoque une instabilité au sein des équipes, entraînant un turnover élevé. Les employés peuvent chercher des environnements plus sécurisants, des opportunités plus stables. Le bon équilibre entre les moyens humains et le niveau d’activité à gérer est une des premières causes de départ de salarié. 

  • Sur la gestion des talents 

Cette population clé, notamment quand elle est explicitement identifiée comme telle, est souvent sensible aux possibilités de développement et au futur de l’organisation. Un niveau élevé d’incertitude rendra les talents vigilants voire réticents à rejoindre votre organisation ou à y rester. Le recrutement et la rétention seront des défis encore plus complexes à relever. 

Et pour ceux qui restent, avec l’évolution rapide des technologies et des marchés, les compétences peuvent devenir rapidement obsolètes, nécessitant des investissements continus dans la formation et le développement. Ces investissements sont d’autant plus nécessaires avec cette population particulièrement recherchée. 

Stratégies pour gérer l’incertitude 

  • Communication transparente 

A défaut de pouvoir prévoir et anticiper le futur, il est toujours possible de savoir ou on est et de communiquer sur le chemin à prendre. Les deux axes de communication dans les contextes incertains seront la transparence et la régularité. 

  1. Transparence et honnêteté : une communication ouverte sur les défis et les incertitudes que rencontre l’organisation peut renforcer la confiance des employés et réduire l’anxiété. Les responsables sont confrontés à un sentiment d’impuissance difficile à accepter, et les salariés feront face à une vérité parfois difficile à entendre. Mais la transparence est une est une condition préalable à l’établissement d’un lien de confiance.  
  1. Feedback régulier : des temps de feedback réguliers, quand ils sont organisés et bien menés, sont utiles à toutes les parties prenantes  
  1. Les salariés se sentent considérés (car on me tient informé), rassurés (car des actions sont mises en œuvre, quelqu’un gère la situation) et écoutés (car on me demande mon avis et/ou mon ressenti, comment je me sens, ce dont j’ai besoin) 
  1. Les responsables sont forcés de structurer leurs actions pour les expliquer, reçoivent des informations opérationnelles utiles à la prise de décision, et peuvent ainsi ajuster leurs décisions ou les modalités de mise en œuvre. 
  • Flexibilité organisationnelle 

Une communication fluide est une étape cruciale dans les organisations complexes et les contextes incertains pour développer la flexibilité. Celle-ci dépend de nombreux éléments culturels, organisationnels et managériaux. 

  1. Culture du changement : la culture est à une organisation ce que la personnalité est à un individu. C’est la somme des comportements, des processus, des modèles et principes managériaux, des mythes, des modes de décisions qui forgent une culture d’entreprise. En agissant sur le moyen terme, il est possible d’ancrer le changement dans l’organisation non pas comme un événement perturbateur, mais comme une norme et une condition nécessaire à la pérennité.  
  1. Agilité et résilience : faire avec ce qu’on a, utiliser au mieux nos moyens pour répondre aux défis et aux besoins actuels. Pour cela, il est important de favoriser la collecte l’utilisation des informations au plus proche du terrain, développer l’autonomie individuelle et collective, et décentraliser les prises de décisions pour raccourcir les délais et optimiser l’adéquation des décisions au contexte et aux contraintes. 
  1. Formation continue : enfin, la flexibilité nécessite un investissement dans la formation et le développement des compétences des salariés. D’un côté, les employés pour les préparer aux changements futurs et les rendre plus polyvalents et d’un autre les managers pour augmenter leur capacité à être à l’aise dans le changement (OK dans le chaos), accompagner leurs équipes et passer d’une posture d’« expert /donneur d’ordres » sécurisant à celle d’un « leader / porteur de sens » et responsabilisant. 
  • Gestion proactive des talents 

Manager, c’est préparer sa succession. Faire face à l’incertitude au niveau organisationnel, c’est penser à la pérennité de cette organisation à long terme, notamment pour les postes clés. 

  1. Plan de succession : équivalent RH d’un plan de continuation de l’activité, le plan de succession des cadres dirigeants et des managers clés de l’organisation permet d’anticiper les départs (attendus ou pas) et d’en limiter les impacts afin de garantir un niveau suffisant de stabilité structurelle dans les équipes. Ce plan liste les postes clés de l’entreprises, les profils idéals des managers à ces postes, les compétences requises, les collaborateurs actuellement en poste, leur date de départ prévisible et la liste des personnes pouvant les remplacer (avec un éventuel accompagnement) 
  1. Recrutement stratégique : au-delà de l’incertitude, les organisations sont de plus en plus complexes et les changements nombreux et rapprochés. Lors des recrutements, des compétences facilement transférables, une forte capacité d’adaptation et des qualités relationnelles sont des atouts majeurs. Ici encore, pas de recette miracle : l’équilibre parfait entre expertise métier, expérience et agilité n’existe pas, c’est cela peut être un critère déterminant dans le choix entre plusieurs candidats…  
  • Innovation et adaptation 

Agir dans l’incertitude, c’est aussi se préparer à faire face à des situations inédites, et donc à devoir réfléchir différemment, à trouver des solutions nouvelles à des problèmes eux aussi inédits… Pour cela, la mise en place d’un politique et une culture de l’innovation sont des atouts majeurs. 

  1. Organiser une veille stratégique :  vos concurrents, directs et indirects, sont confrontés au même environnement, aux mêmes marchés et aux mêmes contraintes. En organisant une veille systématique et élargie de votre concurrence et des vos marchés, vous pourrez anticiper les changements et adapter vos stratégies, vos produits, vos services ou vos ressources : recrutement, formation, tutorat… 
  1. Favoriser l’innovation : à tous les niveaux hiérarchiques, en commençant par la direction, une culture de l’innovation passe par la formation à des techniques de créativité, de la mixité dans les équipes et les groupes de travail (fonction, expérience, niveau hiérarchique…), du feedback, de l’autonomie… mais aussi par un état d’esprit. Le droit à l’erreur est fondamental, notamment dans les contextes incertains. Pour tester quelque chose de nouveau, je dois pouvoir me tromper sans être « puni ». L’utilisation d’un vocabulaire dédié et positif est un atout majeur pour instaurer une culture de l’innovation. En remplaçant le terme « échec » par le terme « essai », on encourage explicitement la créativité. 
  • Soutien psychologique et bien-être 

Au-delà des bonnes résolutions et des ambitions à moyen ou long terme, gérer l’incertitude se fait aussi au quotidien, avec les personnes en place, et dans le contexte imparfait de la « vraie vie ». Or, en pratique, les résistances au changement, les doutes, les hésitations, les erreurs sont bien réelles ! il est donc nécessaire d’accompagner les salariés au quotidien avec par exemple :  

  • Une politique d’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle avec un suivi des temps organisé et régulier 
  • Une sensibilisation des managers au RPS et à la QVT 
  • Des programmes de soutien psychologique et de bien-être pour aider les employés à gérer le stress et l’anxiété liés à l’incertitude, comme des numéros verts ou des messageries dédiées et confidentielles  
  • Des formations sur la gestion du stress 
  • … 

C’est véritablement la cohérence des dispositifs entre eux qui garantit le succès des politiques de soutien, plutôt que le nombre de dispositifs. De même, aucun dispositif ne palliera une absence de volonté de la direction de prendre en considération la QVT. 

Conclusion 

L’incertitude est une réalité incontournable dans la gestion des organisations modernes. Pour les décideurs en ressources humaines, il est essentiel de comprendre ses implications et de développer des stratégies efficaces pour y faire face. En adoptant une approche proactive et en mettant en œuvre des pratiques de gestion flexibles et bienveillantes, les organisations peuvent non seulement survivre, mais aussi prospérer dans un environnement incertain. La clé réside dans la résilience, l’adaptabilité et le soutien continu aux employés, piliers de toute organisation saine et performante. 

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