Magnifiée comme outil ultime de transformation managériale, la formation est souvent contre-productive. Qu’elle soit vécue comme une contrainte ou une récompense, elle coûte en ressources (temps, financières) et provoque parfois défiance, voire démotivation des collaborateurs. Comment faire pour que la formation devienne VRAIMENT facteur de changement en entreprise ? L’avis d’Arnaud Hautesseres.
Former coûte cher à l’entreprise
Grâce au Compte Personnel de Formation (CPF) chaque salarié peut acquérir de nouvelles compétences. Pourtant, même avec une prise en charge par un organisme financeur (les fameux OPCO), former coûte cher à l’entreprise :
- •Budget : outre le prix du stage, il faut prévoir les frais de déplacement et de restauration, de location d’une salle éventuelle, sans oublier le maintien du salaire de l’apprenant.
- Temps : trouver un prestataire, remplir les dossiers de prise en charge, s’occuper des aspects logistiques et le « back’up » durant l’absence du stagiaire : tout cela mobilise le personnel RH et les managers.
- Coûts indirects : phase de transition oblige, une formation perturbe durablement les habitudes de travail, avec un impact certain sur la productivité.
Gare aux formations inutiles
Cours magistraux en présentiel, modules de e-learning à distance… Nombreuses sont les entreprises à faire ce constat : les formations dispensées en inter ou intra-entreprise n’ont que peu d’effets sur leurs collaborateurs. Plusieurs raisons à cela :
- les stagiaires n’ont pas l’occasion de mettre en pratique ce qu’ils ont appris => « je sais mais je ne fais pas »
- les stagiaires n’ont pas la motivation pour mobiliser leurs nouvelles compétences : « je sais faire, mais je fais toujours comme avant pour fuir l’inconfort lié au changement » (c’est ce qu’on appelle l’acrasie, notion développée plus loin)
Injustifiée ou mal menée, une formation (ou plutôt le sentiment de perte de temps et de frustration qu’elle engendre) peut même avoir des effets néfastes sur le plan humain. Exemple :
- démotivation
- désengagement
- cynisme
Comment mieux former vos collaborateurs ?
Comment faire pour qu’une formation remplisse pleinement son rôle, à savoir faire bouger les lignes de l’entreprise et ancrer de nouveaux comportements chez vos salariés ? Réponse : en combinant ces 2 actions :
1) Appliquer le principe des 3C : Connaissances, Comportements, Croyances
- Connaissances : c’est la matière (grise) première. Le contenu théorique, les outils.
- Comportements : l’expérience, les mises en situation, les exercices pratiques mais surtout les feedbacks associés.
- Croyances : limitantes ou potentialisantes, ce sont nos représentations à long terme. La formation aide à les identifier et à les surmonter grâce à la confrontation et aux échanges.
2) Respecter les étapes du cycle d’apprentissage
Le stagiaire doit s’apercevoir qu’acquérir de nouvelles compétences est un processus lent. Progresser revient en effet à passer par ces 4 étapes du cycle d’apprentissage :
- L’incompétence inconsciente : »j’ignore que je fais des erreurs’
- L’incompétence consciente : »je sais que je peux mieux faire »
- La compétence consciente : »je me force à bien faire »
- La compétence inconsciente ; »je fais bien sans y penser »
L’acrasie, cause n°1 des résistances au changement
L’acrasie désigne cette attitude (très humaine) consistant à manifester un comportement contraire à la meilleure décision « raisonnable ». C’est la forme de résistance au changement la plus classique en entreprise. En effet, tout changement induit forcément un inconfort. Celui-ci est généralement lié à des peurs :
- peur de l’inconnu (crainte de modifier ses habitudes)
- peur de l’échec, de l’erreur (et de la punition en découlant)
- peur du regard des autres
Pour fuir cet inconfort, l’être humain met en place des stratégies d’évitement. Heureusement, formateurs et managers peuvent les contourner.
Comment lever les freins au changement ?
3 conditions sont nécessaires pour que vos formations aient un impact vraiment positif sur vos collaborateurs :
- Rassurer (protection) : l’entraînement est l’une des clés de l’assimilation de nouvelles aptitudes. Les apprenants doivent se sentir à l’aise pour essayer… et se tromper. Pendant le stage, le formateur doit donc créer un contexte bienveillant où le droit à l’erreur est admis, sans jugement. Avant et après le stage, il fixe le cadre d’action, avec ses règles et des objectifs.
- Encourager (permission) : véritables laboratoires, les stages doivent être des moments propices à l’expérimentation. Par des invitations à passer à l’acte et des feedbacks bienveillants, le formateur instaure un environnement favorable à la prise d’initiative. Il offre aux stagiaires le pouvoir d’agir (empowerment) et privilégie la déduction des connaissances (faire accoucher) plutôt que de livrer les solutions « apportées sur un plateau » aux collaborateurs. Une fois le stage fini, le manager doit poursuivre en encourageant les collaborateurs à mettre en pratique ce qu’ils ont appris, quitte à ajuster par la suite (bienveillance, droit à l’essai/erreur).
- Accompagner (coaching) : l’accompagnement est un point fondamental qui s’applique avant, pendant et après le stage. En effet, pour qu’une formation soit acceptée, il faut « préparer le terrain ». Par exemple en sondant auprès de vos collaborateurs les compétences qui leur manquent au quotidien, ce qu’ils aimeraient savoir faire demain.
Le stage lui-même doit être conçu de façon à faire progresser les apprenants, étape par étape et à leur rythme. Modules de e-learning, jeux de rôles, cours théoriques : en présentiel ou en ligne, l’apprentissage doit se faire de façon graduelle et personnalisée. Des retours d’expériences sont à prévoir régulièrement pour être sûr que les notions soient bien assimilées et que tout le monde comprend la démarche.
Après la formation, manager et RH peuvent ainsi prévoir un point de suivi à T+3, 6 12 mois avec le cabinet de formation. Objectif : s’assurer que les compétences acquises soient mises en œuvre de façon pérenne (plan d’engagement).
3 conseils pour faire évoluer les croyances en formation professionnelle
En conclusion, pour que la montée en compétences de vos collaborateurs soit effective et bénéfique à long terme pour l’entreprise, il convient de :
- Prendre conscience des enjeux de la formation : une formation oui, mais pourquoi faire ? En aucun cas elle ne doit être une contrainte (« vous avez des heures à écouler ») ou une récompense pour vos salariés. Pour remporter l’adhésion, elle doit s’inscrire dans une vision claire, une utilité avérée, comprise et acceptée par tous.
- Penser la construction des dispositifs : l’ingénierie joue un rôle majeur dans la réussite d’un projet de formation professionnelle continue. Durée, format, étalement, pédagogie : ces arbitrages dépendent des compétences à transmettre mais aussi du contexte économique, de la culture d’entreprise, de la disponibilité des stagiaires, etc.
- Intégrer l’environnement : on ne commande pas une formation comme on commande un hamburger. Nombre de stagiaires, niveau, lieu d’apprentissage, budget, contraintes : un examen préalable de tous les tenants et aboutissants de votre organisation est indispensable pour un accompagnement vraiment efficace.
- Adopter une posture juste : ce conseil est valable pour toutes les parties prenantes de la formation professionnelle. Animateur, manager, stagiaire : chacun doit trouver sa place et rester dans son rôle jusqu’au bout.
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