Valeurs affichées, valeurs incarnées : des paillettes à la vraie vie ?

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Au centre de l’engagement des collaborateurs, en première ligne d’une quête de sens indéniable, porte-étendard de la culture d’entreprise et socles de la marque employeur, les valeurs sont plus que jamais l’objet de toutes les attentions. Du management par les valeurs, de l’alignement des collaborateurs en passant par la démarche RSE, l’équilibre vie pro/vie perso… les valeurs endogènes et exogènes cohabitent au sein de l’organisation. Comment alors concilier valeurs personnelles et valeurs d’entreprise ? Est-ce toujours possible ? Et nécessaire ? Comment décliner ces valeurs, assurer leur « ruissellement » au quotidien et faire en sorte qu’elles soient incarnées par tous à tous les niveaux ? L’adhésion à ces valeurs est-elle un passage obligé pour la pérennité de l’entreprise ? Codir, top management, collaborateurs, qui est véritablement concerné par le sujet ? Où placer le curseur ?

Et demain, par-delà la vente d’un produit ou d’un service, les valeurs seront-elles la nouvelle raison d’être de l’entreprise ? Le 31 janvier dernier, Meltis organisait dans les salons du Meurice un Café Studieux spécial « valeurs » où une quarantaine de DRH, directeurs de la transformation, responsables du développement RH ou responsables formation ont débattu et échangé sur ces différentes questions. Retour sur les contours de ces échanges.  

Valeur, un mot qui en cache d’autres

Eclairage intéressant pour le monde de l’entreprise, en langue française le mot valeur est représenté dans plusieurs domaines.

En musique tout d’abord la valeur d’une note parle de sa durée. Cet aspect est intéressant pour la notion de temporalité. La valeur est plus grande parce qu’elle dure et cette notion nous parle de présente. La valeur s’applique autant à la présence de son qu’à son absence. On peut ainsi raisonner en plein ou en creux pour les valeurs : celles qui sont présentes dans l’organisation et aussi celles qui en sont absentes, que ce soit dans les mots ou dans les faits.

En arts visuels ensuite, la valeur représente le degré de clarté ou d’obscurité. Le lien est ici moins évident mais se réfère à l’énergie procurée par une valeur : « du côté clair ou obscur de la force ». En formulant les valeurs, en fonction des mots choisis, une organisation oriente les forces motivationnelles vers des aspects plus positifs ou plus négatifs. Sans aucun jugement de valeur (!) on ne véhicule pas le même message lorsqu’on évoque une valeur de coopération ou de compétition.

En philosophie enfin une valeur est une évaluation. Penser en valeur c’est penser chose sous l’angle de son évaluation, en rapport à autre chose ce qui permet de définir des actes, des comportements ayant plus de valeur que d’autres. Il y aurait donc une hiérarchie de comportement, certains ayant plus de valeur que d’autres… Aucun comportement n’a ainsi de valeur intrinsèque mais simplement plus ou moins de valeur qu’un autre. Dans le prolongement de cette pensée philosophique, la notion de valeur morale désigne des choix de qualité, de comportements, estimés, reconnus, admiré ou recherché par une personne ou un groupe. On touche ici à la frontière entre le bon et le mauvais, le bien et le mal.

Les 6 niveaux de la vision de Vincent Lenhardt comme support à la pensée

Pour être comprises, acceptées, appréhendées de façon pleine et entière par l’ensemble des collaborateurs, il est important de penser les valeurs et le système de valeurs de l’organisation dans un ensemble modélisant plus large. Les valeurs doivent faire partie d’un tout cohérent pour l’entreprise. Elle découle de concepts encore plus « grand » pour l’organisation et viennent conditionner l’opérationnel. Vincent Lenhardt a modélisé ceci dans les 6 niveaux de la vision.

6 niveaux de la vision

Au-delà de cet aspect pratique, les enjeux sur « les valeurs comme créatrices de valeur » tendent à s’élargir en raison de :

  • Contextes VUCA : nous nous tenons dans une brèche du présent entre un passé révolu et un futur indéchiffrable. La valeur aura don une vertu de stabilité.
  • Tensions entre le besoin d’éthique personnelle et le besoin de commun, d’appartenance. Pour faire le pont et le lien entre ces deux notions, le politique via la loi PACTE encourage les entreprises à se noter d’une « raison d’être » à partir de laquelle on décline des valeurs.
  • Leur importance dans les processus de recrutement. Au-delà de la marque employeur, les candidats souhaitent confronter leurs valeurs personnelles à celles de leur futur employeur et inversement pour déterminer un certain degré de « compatibilité »
  • L’engagement collaborateur et une quête de sens sans cesse renouvelée. Les valeurs sont liées à un niveau existentiel d’importance, qui transcende les individus eux-mêmes et sont ainsi porteuses de sens.
  • La confiance comme processus. Au-delà des aspect économiques et contractuels c’est bien la relation, établie en grande partie en présence de valeurs partagées, qui permet l’émergence de la confiance.

Echanges et apports des participants

Pourquoi a-t-on besoin de valeurs ? De les définir, de les afficher et de les faire vivre ?

  • Les valeurs sont avant tout des vecteurs de performance et d’engagement
  • Elles sont indéniablement liées à la raison d’être de l’entreprise
  • Elles sont le reflet de l’identité de l’entreprise, parfois celle du dirigeant ou du « mythe fondateur » ou de la « marque client »
  • De nombreux « événements » peuvent justifier de travailler, définir ou faire évoluer des valeurs : croissance, changement de gouvernance, nouveaux produits ou marchés, intégration, fusion, déménagement, télétravail…
  • Les valeurs permettent d’avoir un référentiel commun pour effectuer des choix. Les valeurs servent ainsi la performance par ruissellement, par questionnement et référence permanente.
  • Les valeurs servent à aligner par exemple des fonctions supports et des fonctions terrain qui incarneraient par essence (associatif, service public…) ces valeurs à des niveaux différents
  • Les valeurs servent à « cohabiter » et à matérialiser un cap commun pour des profils de métiers, des personnalités, des modes de communication…différents.

Comment définir des valeurs ?

Avec une méthodologie propre à la culture de chaque organisation, à l’appui d’un cabinet externe ou non, les valeurs peuvent être définies de plusieurs façons et par plusieurs typologies d’acteurs :

  • Par le dirigeant, reflet de son ambition, de ses valeurs personnelles, de ses croyances…
  • Par le COMEX, CODIR…
  • Par les RH et/ou la communication interne
  • Par des focus group par équipe, pays, fonction…
  • Par l’ensemble des collaborateurs
  • Via des séminaires, team building, ateliers créatifs, portail collaboratif, baromètres…

La construction participative semble faciliter le ruissellement, l’appropriation et la mise en œuvre. Le nombre des valeurs semble être un point d’attention ; il faut trouver le juste équilibre entre trop et pas assez : pour refléter la richesse de l’organisation sans devenir complètement inintelligible et permettre une déclinaison opérationnelle simple.

Faire vivre les valeurs

  • Le lancement avec « faste » pour un impact plus grand, à grand renfort de communication et de rappel quotidien s’oppose à des cultures où « on vit plus les valeurs qu’on ne les affiche »
  • Utilisation de canaux de communication différents et multiples pour être sûr de toucher l’ensemble des collaborateurs quels que soient les vecteurs auxquels ils sont le plus sensible. « On ne peut pas sentir des valeurs, on doit les voir ».
  • Importance des valeurs dès le recrutement, impact sur la marque employeur. Les valeurs peuvent servir de référence pour évaluer la compatibilité d’un futur collaborateur. Les futures recrues questionnent d’ailleurs de plus en plus souvent sur les valeurs de l’organisation.
  • Lors de l’intégration les valeurs sont affichées, expliquées et explicitées
  • Les valeurs sont déclinées de façon opérationnelle et peuvent servir de support pour les actions terrain du quotidien, les entretiens annuels, les entretiens individuels, les projets divers, les relations avec l’externe… « je reviens du Café Studieux, je fais un compte-rendu et débriefe mon équipe dans l’esprit de la valeur Learn and Share de mon organisation ».
  • La ligne managériale est souvent la première impactée pour faire vivre ses valeurs, les managers doivent être formés, alignés et en capacité de traduire ces valeurs auprès de leurs équipes et dans l’opérationnel.

Pour terminer ce focus voici les points d’attention soulevés par nombre de participants en ce qui concerne le travail sur les valeurs :

  • La posture de la direction est essentielle et les valeurs doivent être incarnées au plus haut niveau
  • Les projets autour des valeurs ne concernent pas que les RH mais bien toute l’entreprise
  • Les valeurs doivent être clairement expliquées dans le contexte de l’entreprise et de sa stratégie. Pourquoi pas illustrées. Au risque sinon d’être mal comprises et « utilisées »
  • Il est important de pouvoir « mesurer » la compréhension, l’adhésion, l’utilisation… lors d’entretiens par exemple ou à l’aide d’outils tels que Bleexo.
  • Les valeurs peuvent évoluer si cette évolution est accompagnée. La suppression d’une valeur peut être par exemple un point de crispation si elle est incarnée par certains collaborateurs.
  • L’ensemble des valeurs ne sera jamais partagé par l’ensemble des collaborateurs mais on peut tendre vers un consensus facilité par une cohérence stratégique et une explicitation régulière.
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